Axslnyz, la planète des écrivains
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Axslnyz, la planète des écrivains

Un forum dédié aux fanfics. Que vous soyez auteur ou lecteur, viendez! ^w^ (on ne mord pas XD)
 
AccueilAccueil  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
-14%
Le deal à ne pas rater :
Apple MacBook Air (2020) 13,3″ Puce Apple M1 – RAM 8Go/SSD 256Go
799 € 930 €
Voir le deal

 

 Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup

Aller en bas 
+2
mogyuki
Kestrel21
6 participants
Aller à la page : Précédent  1, 2
AuteurMessage
Kestrel21
Tit axslnyzien
Kestrel21


Nombre de messages : 117
Localisation : ... Heu...
Date d'inscription : 18/03/2006

Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup   Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup - Page 2 EmptyVen 29 Sep - 21:43

¤

Javier était endormi, assurément. Lars aurait aimé l’être également mais il n’y parvenait pas.
Le Colombien avait été si doux avec lui, ce n’était certes pas la première fois mais on aurait dit qu’aujourd’hui, l’amour avait transcendé le sexe. Javier avait été si tendre, si prévenant, si aimant que Lars se demanda si il n’avait pas tacitement compris que ce serait la dernière fois.
Il sentait contre son cou le souffle régulier de l’homme et pour la première fois, il osa se demander ce qu’il allait lui-même devenir.
Comment parviendrait-il à rester ici si Javier n’y était plus ?
Partir, alors… Mais pour aller où ? Retourner en Suède ? Il ne le pourrait pas, d’autant qu’il y avait fort à parier qu’on ne l’avait guère oublié. Et comment pourrait-il oublier, lui, s’il revenait sur les lieux de sa régression, de sa déchéance en accéléré ?
Comment pourrait-il oublier son arrestation à l’aéroport de Stockholm, son procès truqué tout autant que médiatisé ? Lui qui n’avait jamais rencontré ses Juges et guère plus son avocat ?
Lui qu’on venait toujours chercher au fond de sa cellule, à heure fixe durant les trois mois où fut réunit le Tribunal, afin qu’il assiste grâce à la télévision du directeur à son propre jugement, sans qu’il y ait jamais participé.
Ce qu’il voyait le laissait toujours suffocant, les interviews si rapides à la sortie des Bureaux de gens tous vêtus de noir qu’il n’avait jamais vu et qui se réclamaient Juge d’Instruction, Avocat de l’Accusation, Avocat de la Défense… Le seul visage familier fut celui de son éditeur, parmi les témoins.
Il assistait, révolté, aux compte-rendus quasi journaliers d’un procès qui n’aurait jamais lieu, puisque le principal protagoniste était condamné d’office. Ce qu’on ne lui démentit d’ailleurs jamais.
Mais l’important, ce n’était pas son salut, c’était que l’opinion publique continue à croire en la Justice, en la capacité du gouvernement de l’Union Européenne à régler les problèmes de façon démocratique. Si la population se désillusionnait, comment parvenir à mener de front une guerre qui paressait désormais inévitable… ?
L’issue du Jugement fut sans appel, Lars fut acquitté, la liberté d’expression était sauve.
Acquitté mais enfermé, isolé à l’intérieur même de la prison. Jusqu’à quand ? Impossible de le dire.
Il y resta deux ans et demi. Le temps que la pandémie n’atteigne l’Europe et ne se propage de manière suffisamment inquiétante pour que les nouveaux arrivants du pénitencier de *** fussent placés systématiquement en quarantaine et les allées et venues surveillées et filtrées.
Un homme qu’il n’avait jamais vu, en uniforme de surveillant lui amena un jour un paquet litigieux contenant une seringue et la lanière de cuir nécessaire aux garrots. Lars la contempla durant de longues heures. On désirait le faire évader, à condition qu’il s’inocule lui-même le virus qu’elle contenait sans aucun doute. Il ne parvenait pas à savoir si le jeu en valait la chandelle. Il ne supportait plus son incarcération, vivre ainsi n’était pas vivre et pourtant, il ne désirait pas mourir.
Et il savait pertinemment que ce virus était suffisamment meurtrier pour étouffer dans l’œuf les intentions belliqueuses de l’Alliance de l’Est, suffisamment contagieux pour paralyser des continents entiers en décimant leur population avec la redoutable efficacité une explosion à l’atome.
Alors en admettant qu’il parvienne à sortir d’ici, ne tomberait-il pas raide mort avant même d’atteindre l’aéroport ?
Tout ceci n’était bien entendu que des suppositions, isolé comme il l’était, Lars en savait trop peu sur cette nouvelle épidémie pour en connaître tous les effets…
Les jours passaient, il ne parvenait pas à prendre sa décision. L’homme ne reparut pas mais un matin, Lars constata en s’éveillant que la seringue avait disparu. Il l’avait dissimulé dans son matelas afin d’éviter d’éveiller les soupçons et l’idée que quelqu’un ait pu la subtiliser sans qu’il n’en sache rien était alarmante. Peut-être même que le virus lui avait été injecté de force, tout semblait alors possible. Son corps ne portait certes aucune trace de piqûre mais il commença à devenir de plus en plus méfiant, à la limite de la paranoïa. Il rêvait la nuit que des silhouettes pénétraient dans sa cellule, l’attachaient à son lit, lui plantaient une seringue dans l’avant-bras. Il s’imaginait ce poison attaquant son système nerveux, paralysant ses membres, ralentissant à l’excès les battements de son cœur. Qu’il crevait là, comme un animal de laboratoire, seul au fond de son cloaque.
Les jours passèrent, d’une lenteur de plus en plus insupportable, surtout pour un homme qui craint et espère à la fois que le pire arrive. Mais ce ne fut pourtant pas sur sa tête que la peste s’abattit.
Mais sur celle d’un autre prisonnier, mit tout comme lui au secret. Lars ignorait tout de son identité, peut-être était-il un critique comme lui, peut-être même un politicien gênant.
Un matin, au travers de la minuscule vitre de sa cellule, l’écrivain vit passer à toute vitesse un curieux équipage, trois gardiens transportant sur un brancard une forme humaine pudiquement recouverte d’un drap. Un personnage les suivaient, vêtu d’une blouse blanche et que Lars identifia comme un médecin légiste en se rappelant malgré la brièveté de leur passage l’immobilité inquiétante de la silhouette, cette inertie que la mort seule confère.
Le bruit courut bientôt que l’un des gardiens avait découvert une seringue usagée sous le lit du défunt. Et le diagnostic ne tarda pas à faire le tour du cercle restreint des détenus alors que tout avait été pourtant fait pour le tenir secret : D6G20, ça ne faisait pas le moindre doute.
On avait prévu un trouble, c’est une véritable panique qui se déclencha. On eu beau tenter de rassurer, bénir la mise à l’isolement du prisonnier, mettre en quarantaine les gardiens qui avaient manipulé le mort et la seringue, rien n’y fit. Et l’ignorance ne faisait que faire augmenter la crainte, le virus demeurait-il actif même après la mort du malade, et contagieux par conséquent ? Et si oui, pour combien de temps encore ?
Le corps du détenu avait de toute façon été brûlé dés sa sortie du pénitencier et on espérait partout qu’il n’y aurait pas d’épilogue. Ce fut le cas durant presque une semaine, jusqu’à l’accompagnement dans une ambulance hurlante de l’un des gardiens, visiblement au plus mal.
Tous les indices de la maladie furent reconnus en hôpital et on découvrit bien vite que l’homme en question avait été le dernier a avoir assisté et nourri le prisonnier mystère, et pas uniquement lui bien entendu, presque la moitié des détenus du pénitencier.
Dans l’instant de la réception de cette nouvelle, la panique vira à la psychose. Alarmés à l’idée de ne pas pouvoir quitter ce cloaque désormais contaminé, la plupart des captifs formèrent une coalition, si forte et si soudée par la peur que personne ne fut capable de leur résister. Pas même le directeur, qui paya de sa vie son entêtement à ne pas vouloir ouvrir les portes de son établissement. On le retrouva raide mort dans son bureau, la tempe ouverte sur un coin de sa table de travail, le corps recouvert de multiples blessures et contusions.
Lars fut ainsi libéré. Ses codétenus débarquèrent un jour dans sa cellule l’avertir que le pénitencier était à présent ouvert. Certains d’entre eux le reconnurent, tombèrent des nues de le découvrir ici, eux qui le croyaient libre depuis si longtemps.
Tous ceux qui le pouvaient partirent, quittèrent la Suède, sous de faux noms la plupart du temps. Lars fut parmi eux. Il songea d’abord s’envoler pour New York où il avait un pied à terre mais il ne voulait pas prendre le risque d’être reconnu par d’autres que ses connaissances. Il élit alors l’Afrique, ce qui lui parut le plus sûr du point de vue de sa fuite. Etant le continent qui avec l’Asie était le plus ravagé par le virus et par ses querelles intestines que la bombe de Dodoma n’avait fait que raviver, prendrait-il réellement la peine de se préoccuper de prisonniers politiques venus d’un continent qui n’avait rien tenté pour les sortir de la crise ?
Il atterrit à Libreville deux semaines après sa délivrance. Le soir où la première goutte d’eau tomba du ciel.

Tout ceci, Lars le revit en l’espace de quelques secondes, une série de flashs rapides, lumineux et discontinus. Il ne voyait pas les yeux de Javier, celui-ci avait niché son visage au creux de son cou, il sentait contre sa peau une respiration égale et sereine.
Si Javier partait, comment allait-il faire… Lui-même ? Au contact de cet homme, il s’était comme senti revivre, il avait sorti la tête de l’eau, était revenu de la gueule du loup. Si Javier l’abandonnait maintenant…
Il le sentit soudain s’agiter, les mains du Colombien bougèrent, semblèrent un instant chercher les siennes puis se posèrent en appui sur le canapé afin de lui permettre de se redresser. Lars, s’en apercevant, ferma les yeux, de toutes ses forces.

Javier contempla longuement le visage de son compagnon, considérant ses yeux clos comme s’il ne désirait plus jamais voir. Et sur ses joues, il y avait des larmes.
Cette vision transperça rudement l’Américain. Sans même qu’il s’en rende compte, ses lèvres formèrent un mot, deux syllabes mais aucun son ne franchit ses lèvres.
« Pourquoi… ? »
- … Il ne pleut plus.
La voix de Lars était très éraillée, ces quatre mots parurent lui coûter un immense effort. Parce que cela faisait trop longtemps qu’il s’était tût, parce que l’émotion lui nouait la gorge, les raisons en étaient diverses.
Javier n’avait jamais tenté de lui donner un âge même s’il ne faisait aucun doute que Lars était plus jeune que lui. Mais à cet instant, l’homme roux lui parut vieux. Vieux et triste, vieux et fatigué.
Et ceci lui fit plus de mal que tout le reste. Ce reste qui n’avait désormais plus la moindre espèce d’importance.
Ainsi il ne pleuvait plus… ? Qu’importe, c’était comme si l’averse se poursuivait à l’intérieur de son corps.
Javier ouvrit la bouche, à nouveau. A nouveau ses lèvres bougèrent mais ses cordes vocales le trahissaient. Pourtant, qu’est-ce qu’il aurait aimé… Aimé parler, aimé Lars, aimé tout court… Et pouvoir le dire.
Son amant venait de rompre sciemment le consensus qui les liait, et venait par cela de lui donner à la fois une preuve d’amour et une condamnation.
Il resta muet, incapable de parler, incapable de penser, il vit Lars s’agiter, se dégager de son étreinte avec une brusquerie qu’il ne lui connaissait pas, se relever pour l’observer.
- Que vas-tu faire ?
La voix de Lars résonna à nouveau dans l’obscurité, tranchante comme un couperet de guillotine, Javier voyait ses poings se contracter pour se détendre ensuite, sans cesse, son visage tiquer et se crisper comme s’il accusait soudain le contre-coup d’une terrible colère contenue depuis trop longtemps.
Javier ne disait toujours rien, plus que jamais il prenait en conscience, la moindre parole lui serait fatale. Mais le besoin de parler le tiraillait douloureusement, insistant au point qu’il se sentait prêt dans son état à y céder à tout instant…
Une détonation brutale, ou tout du moins cela lui apparut comme tel. Un bruit qui ressemblait à s’y méprendre à une balle explosant, et qui résonna aussi fort dans sa tête que s’il avait été placé sur sa tempe. Lars, dans sa fureur, venait d’arracher le volet de ses gonds, la lumière grisâtre des lendemains de pluie se déversait par l’ouverture, faible mais c’était déjà trop pour ses yeux maintenant adaptés à la nuit.
Il n’y avait pas un souffle d’air, de lourds nuages s’amassaient encore devant le soleil sans pour autant parvenir à masquer son indiscutable présence. Javier aurait aimé ne pas avoir subir cette vision, qu’il aurait voulu pouvoir refermer cette maudite fenêtre dont les lattes disjointes gisaient à présent sur le plancher, refermer cette fenêtre sur un monde encore noyé de pluie et continuer de vivre sans penser à l’avenir dans cet arche, dans cet oasis de noirceur et de silence… Avec Lars, sans passé ni avenir, rien que pour ce présent qu’il aimait tant maintenant qu’il était perdu, n’avoir pas à subir de séparation. N’avoir pas à vivre la chute du monde tel qu’il l’avait toujours connu, auquel il n’avait pas pu s’empêcher malgré tout de croire. Ce qui l’avait perdu.
- Tu ne dis rien…
La voix du Scandinave était d’une dureté qui n’avait d’égale que sa froideur. Javier baissa les yeux de honte, Lars s’approcha et le frappa si fort que la peau du Colombien se fendit et laissa échapper un filet de sang, qui s’écoula le long de sa joue et vint goûter sur le plancher inégal.
Javier accusa le coup, songeant qu’il le méritait et que plus rien désormais n’avait d’importance.
Qu’à cause de ce silence qu’il avait crû rédempteur, il avait perdu Lars. De ce fait, s’était perdu lui-même.
- Pourquoi… ?
Il y avait des sanglots dans la voix de Lars, que Javier ne vit pas, se sentant trop misérable pour oser lever les yeux vers lui, même pour la dernière. Sans mot dire, comme toujours, le Colombien se leva, passa la main sur sa joue, ramena devant ses yeux ses doigts rougis de sang qu’il contempla pensivement durant quelques secondes.
Puis, la tête baissé, il passa la porte de la chambre numéro trois, celle-là même où ils s’étaient aimés pour la première fois et fut presque tenté de s’arrêter pour attendre.
Pour attendre qu’il se passe quelque chose, que Lars fasse un geste, n’importe quoi pour le retenir.
Mais il devinait par avance qu’il ne se passerait rien, aussi ne ralentit-il même pas son allure, il s’engagea dans le couloir puis dans les escaliers, achevant d’y éparpiller les lambeaux de son cœur.
Une surprise l’attendait au rez-de-chaussée, qu’il n’avait que brièvement traversé lors de son arrivée avant de gagner l’étage, cet étage qu’il avait espéré ne pas devoir quitter et surtout pas ainsi, pas de cette manière-là…
Il n’avait même pas songé à redescendre alors, pourquoi puisque les maigres réserves entassées dans l’hôtel en cas de siège depuis l’explosion de la bombe de Dodoma se trouvaient dans une soupente, puisque même quitter des yeux son amant lui était au fil des jours devenu insupportable ?
L’eau avait envahi le large hall, éventrant la porte et les fenêtres les plus basses pour se frayer un chemin.
Javier en avait jusqu’à la taille, il zigzagua au milieu de débris flottants comme des poissons morts, les chaises, les objets usuels qui n’avaient pas été emportés par le courant.
Il avait si mal qu’il ne ressentait plus rien, exilé, il s’exilait. Quitter la Colombie, quitter son pays natal, quitter Diego même, ce qu’il avait ressenti alors en délaissant tout cela n’était rien en comparaison du mal qui le tuerait sans doute, dés l’instant où il passerait la porte…
Pour son malheur, il ne mourut pas. Dehors, l’avenue était devenue fleuve, rendu placide par l’arrêt de ces maudites pluies, des dizaines et des dizaines d’objets de toutes les tailles et de tous les usages surnageaient sur son lit, venus des bâtisses vidées par l’inondation.
Un cadavre gonflé d’eau, rendu méconnaissable passa prés de lui, le visage tourné vers le ciel redevenu clément. Javier ne put s’empêcher de songer qu’il n’était pas si différent de ce noyé, lui aussi était perdu à présent, voué à la dérive.
Il se retourna, examina le petit hôtel à la façade miteuse, se souvint combien il était amoureux et combien il était trop tard.
Il passa à nouveau une main sur sa joue, la plaie saignait toujours. Il en fut content et espéra en garder une cicatrice.
Car l’oublier, oublier tout ce que cela représentait serait se mentir à lui-même.
De même qu’en guérir serait l’enterrer.

¤ ¤ ¤ ¤ ¤
Revenir en haut Aller en bas
Kestrel21
Tit axslnyzien
Kestrel21


Nombre de messages : 117
Localisation : ... Heu...
Date d'inscription : 18/03/2006

Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup   Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup - Page 2 EmptyVen 29 Sep - 21:44

« Quoi ? Tu veux mourir ? Mais que d’orgueil, c’est désolant… Tuer les morts est une perte de temps… Tu guériras, c’est un cadavre qui te le dit… »
Voici ce que pensait Lars en s’écroulant sur le sol comme si ses jambes ne le soutenaient plus, il tomba et resta ainsi, les bras en croix, les yeux clos, tel un gisant sur son tombeau, broyé par la réalité et au bord de mourir de solitude.

¤ ¤ ¤ ¤ ¤

Javier gagna Monrovia en une semaine, s’envola pour Buenos Aires où il ne put qu’avoir idée de l’ampleur du désastre. Pratiquement un tiers de la population mondiale avait été décimée par le virus le plus virulent qu’on jamais vu sur une telle échelle. S’y ajoutait les victimes innombrables de Dodoma, passées et futures. Le bilan humain avait de quoi glacer le sang mais l’Histoire paraissait close.
Le Déluge était passé, il avait emporté avec lui les erreurs, les remords, les cadavres infectés que l’on avait pas pu brûler. Il autorisait une nouvelle renaissance…
Une politique de l’oubli s’installa alors progressivement. Il en fut de même que pour Noé, les survivants bénirent l’Arche qui les avait abrité des catastrophes et toute l’Histoire de l’humanité antérieure à 2047 fut noyée dans les océans.
A ce titre, Javier décida d’abandonner le patronyme de Camàra, porteur de trop de souvenirs pour son propre bien, au profit du nom de jeune fille de sa mère, Melquiadès.
On perd dés lors sa trace. Durant les cinq années qui suivirent, plus personne ne fut en mesure de témoigner de ce qu’il advint de lui.
Sans doute voyagea-t-il, pour se fuir lui-même, une raison qui prête à penser qu’il ne remit jamais les pieds dans ce qui restait de son pays natal, où il avait vendu son âme au Diable.
Guère plus que dans cette petite province oubliée du monde et de l’ancien EFC, où il l’avait définitivement perdu.

Lars, quant à lui, sut se faire oublier. Tant est si bien que l’on eût pu le croire mort si certains témoins n’affirmaient pas l’avoir aperçu de retour en Europe.
Sans doute s’insurgea-t-il contre ce tacite désir d’oublier, sans doute désira-t-il ardemment se faire le témoin des atrocités du XXIème siècle car qui mieux qu’un écrivain l’eut pu ?
Mais plus aucun livre ne parût sous son nom, peut-être même vivait-il la difficile perte de l’inspiration, comme on sent mourir un être cher pourtant déjà bien loin de vous…
Face aux cinq ans de silence qui suivirent, nous n’en sommes réduits qu’aux suppositions, à la merci des probables égarements inhérents au chaos suivant les catastrophes planétaires.

Le 14 avril 2051 cependant, parut en France aux éditions Sang d’Encre un roman d’abord destiné à passer inaperçu, malgré les antécédents de son auteur et la perte de vitesse alarmante de l’édition partout dans le monde. Le titre français en était « Revenir de la gueule du loup », son auteur, Lars Olhen. Livre qui quatre ans plus tard devait se voir octroyé le prix Pulitzer, il y était narré les pérégrinations douloureuses d’un Chilien pris dans la tourmente de la précédente décennie. Son nom était Javier Alguidar.
Sans doute son histoire parvint-elle entre les mains de son quasi homonyme au moment où cette publication commença à faire grand bruit et sans doute fut-il le seul à deviner que l’un des détails les plus marquants des aventures de son double de papier n’étaient pas pure fiction.
Tout du moins tenta-t-il de s’en convaincre car après tout, ce prénom n’avait peut-être été choisi par Lars que par pur hasard. Peut-être même lui avait-il été inspiré par un autre Javier qui malgré leur parenté patronymique lui serait à jamais étranger… Bien des choses pouvaient changer en l’espace de cinq années et sans doute était-il l’un des rares êtres humains à qui le retour de la paix avait fait perdre ses illusions et sa rage de vivre.
Sans doute aussi lire ce livre qui attestait de la survie de Lars lui fit reprendre cet espoir qu’il pensait avoir réussi à enfouir. Et probablement encore un petit entrefilet de journal attira un jour son entière attention. La mention du festival littéraire de Budapest où de nombreux auteurs marquants ne manqueraient pas de dédicacer leurs dernières œuvres aux amateurs. Parmi une dizaine d’autres noms dont la notoriété lui avait jusque là été épargnée, un seul retint son attention.

Dés lors on le retrouva, errant dans la capitale hongroise, trépignant, se rongeant les ongles ou au contraire hagard, perdu, le regard vide, assis comme assommé sur un banc public, un exemplaire corné du livre de Lars entre les mains, le caressant même parfois de manière absente comme un chat à faire ronronner.

¤

Lars levait à peine la tête, ne cherchant même pas à croiser le regard des visiteurs du Salon venant quémander une signature auprès de lui. C’était la première fois que Javier le voyait depuis leur aventure gabonaise 5 ans auparavant et contenir son émotion lui fut difficile. Lars avait assez peu changé, outre ses joues qui s’étaient irrémédiablement creusées et sa tête, rasée où ne subsistait plus guère qu’un petit duvet roux.
Javier lui tendit un fois son tour venu son propre exemplaire, ses mains frissonnant à peine et l’autre y apposa machinalement sa signature puis, comme pris d’une soudaine inspiration, proposa une légère variation au rituel.
- A quel nom ?
Comme cette situation lui parût surréaliste !
- Javier Melquiadès.
L’autre releva alors brusquement la tête et lorsqu’il croisa le regard du Colombien, il lâcha son stylo-plume qui de dépit laissa baver son encre sur la page de garde.
Les yeux bleus de Lars brillaient toujours de cet éclat presque surnaturel que d’aucun eut pu trouver sinistre mais qui pour Javier l’illumina. Il avait toujours été fasciné par eux, et à cet instant, il était captivé par la foule de sentiments disparates et contradictoires qu’il voyait s’y presser.
Lars semblait beaucoup trop estomaqué pour parler et Javier à nouveau ne le désirait pas, il se contenta donc avec un petit sourire sans malice de désigner une cicatrice très fine sur sa joue gauche. Lars semblait s’être enraciné à sa chaise, il semblait même éprouver des difficultés à respirer.
Une femme derrière Javier manifesta alors son ire par des coups de coude répétés dans le dos de Javier, Lars sembla soudain se ressaisir, se saisit de son stylo et inscrivit rapidement quelque chose d’autre sur la page de garde. Quelque chose qui ressemblait à une heure… Et à une adresse…
Puis, les yeux baissés, il repoussa le livre jusqu’à l’extrême bord de la table. Javier eut voulu se saisir plutôt de cette main, pour la tirer, pour l’embrasser peut-être…
Il attrapa le livre, le cala sous son bras et quitta la salle.
Pour de bon cette fois.
En attendant le soir…
Le soir où il pourrait enfin parler, parler et par ce chemin effacer ses hontes, ses regrets…
En attendant la vie…

FIN.


J’aurais pu être assez vache pour finir sur un non happy-end… Je sais que j’aurais pu… Mais trois mois sur le même one-shot, ça laisse des séquelles, je ne pouvais pas les laisser finir comme ça…

Quelque chose de décidément très nouveau pour moi, pour une fois qu’ils ne passent pas 18 pages à blablater, j’espère que l’exercice n’a pas été trop mal négocié…

Ah, aussi, si j’ai passé sous silence les problèmes environnementaux, les avancées technologiques et tout le bataclan général, c’est parce que je voulais en priorité me concentrer sur la géopolitique, ce qui m’a déjà paru épouvantablement lourd à traiter. Je souhaite donc que cette omission n’ait pas nuit au réalisme…

Review ?

K21


Précisions :

1) Etat Fédéral Centrafricain, capitale : Khartoum.
2) Noms choisis de façon totalement aléatoire !
Revenir en haut Aller en bas
mogyuki
Axslnyzien
mogyuki


Nombre de messages : 234
Localisation : devant une fic ^^
Date d'inscription : 11/01/2006

Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup   Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup - Page 2 EmptyLun 9 Oct - 1:18

O.o
o.O
O.O

... Waouh!!!!
*cherche ses mots*

eh ben, tu nous a encore fait une histoire completement atypique!!! Bon, je vais essayer de te dire en vrac tout ce que ce texte m'a inspiré, mais je risque d'oublier des trucs...
D'abord, cette situation de 2 hommes qui ne connaissent que leurs prénoms, et qui font l'amour plutot que de parler est completement surréaliste. Et pourtant, comme toujours avec tes textes, on y croit... Ca parait logique et profondément humain, cet amour qui s'installe sans une parole, tout comme leur compréhension mutuelle semble bien meilleure en n'étant pas parasitée par des mots.
Ensuite, le contexte de ton histoire... Il m'a fait peur par son réalisme. Tu t'es basée sur la géopolitique actuelle pour imaginer l'évolution de la Terre dans les décennies à venir, et c'est malheureusement très - trop - réaliste. Que ce soit l'alliance de l'Est ou les réactions de l'Europe et des autres pays, ton scénario est hélas tout à fait plausible selon moi, même si j'espère qu'il ne se produira jamais. La seule chose un peu moins réelle selon moi, c'est cette pandémie. En effet, même si c'est un risque possible dans les années à venir (on l'a bien vu avec le SRAS et la grippe aviaire), comparé à la guerre et à l'escalade de la violence que tu décris, cela me semble beaucoup moins réel... Peut-etre aussi que ca faisait trop de catastrophes d'un coup pour que cela me semble crédible... Et puis j'ai un peu eu l'impression que tu sortais cette épidémie de ton chapeau car tu n'avais pas d'autre moyen pour mettre fin au conflit mondial... Tout comme le déluge, d'ailleurs.
En fait, je crois que le contexte général dans lequel tu as placé tes personnages m'a beaucoup plus interpellée que l'histoire elle-même, ce qui fait que je n'ai pas grand chose à dire sur la révolution menée par Javier et son frère en Colombie, ou sur le procès factice de Lars... J'étais plus interressée par les évenements que par leur histoire personnelle, même si je suis contente d'avoir eu un happy end ^^
En même temps, même si la fin est heureuse pour Javier et Lars, la réaction générale de la population est là encore très alarmante... Cet oubli volontaire est probablement la pire des réactions après ce type d'évenements, et pourtant c'est ce que l'on rencontre le plus... Il est tellement plus confortable d'oublier, même si cela permet la répétition des erreurs...

Bref, c'est ma réaction à chaud que je te livre, mais merci beaucoup pour ce texte, il m'a fait réfléchir à pas mal de choses. Pour moi, excepté l'histoire de Javier et Lars, c'est une vision très noire de l'avenir que tu nous montres là. Et bien que je la pense un peu pessimiste (du moins je l'espere), elle me semble malheureusement bien plus proche de la réalité qu'un avenir de paix et de petits zoziaux qui chantent...

En espérant pour que l'avenir te donne le moins possible raison, et que tu continues à nous pondre ce type de merveilles

Kisus
Mogy

édit: Je ne m'etais pas rendue compte que ma review était si longue XD... Comme quoi, ton texte m'a vraiment fait réfléchir et donné envie de réagir ^^
Maintenant, il faut que je trouve le temps et le courage d'aller relire l'absent depuis le début pour enfin savoir la fin... Promis, je te ferais une review quand je l'aurais lu ^^

édit2: Et voilà, je me lève ce matin, et j'apprend que la Corée du Nord a fait un essai atomique, et qu'une journaliste russe qui dénoncait le régime de Poutine a été assassinée... et ton histoire me revient en pleine figure...
Revenir en haut Aller en bas
Kestrel21
Tit axslnyzien
Kestrel21


Nombre de messages : 117
Localisation : ... Heu...
Date d'inscription : 18/03/2006

Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup   Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup - Page 2 EmptyLun 9 Oct - 17:40

... Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup - Page 2 129g
dire que ton message m'a emballé est faible! surtout que je doutais et je craignais vraiment que ça ne plaise pas, trop long, trop irréaliste, trop ou pas assez tellement de trucs. mais il faut croire qu'histoire longue appelle long commentaire, je suis vraiment ravie de voir que ça t'ait marqué à ce point!
c'est trés différent de ce que j'ai l'habitude d'écrire (et même de lire parce que bon, l'anticipation en général, c'est pas trop mon truc...), vraiment, je me suis mise à sauter sur mon siège en lisant tout ce que tu m'as dis!^^
pour ce qui est de la pandémie, je peux voir c'est vrai que ça fait un peu solution de secours mais bon, je voulais tout de même respecter la prédiction de Nostradamus au moins dans les grandes lignes vu que c'est l'entendre qui m'a donné cette idée!
merci en tout cas pour cette longue review! Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup - Page 2 129d
K21
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup   Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup - Page 2 Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
Kestrel21 } Revenir de la gueule du loup
Revenir en haut 
Page 2 sur 2Aller à la page : Précédent  1, 2
 Sujets similaires
-
» forum de RPG du loup-garou

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Axslnyz, la planète des écrivains :: Axslnyz, la planète des écrivains :: Oneshots-
Sauter vers: